le slip du president
Roman historique
J’écris ces lignes dans le bureau de Jean-Pierre Ladonzel, au domaine de Fontenette-Village. La grisaille automnale confère au paysage, que je contemple à travers la vitre perlée de pluie, l’allure mélancolique d’une huile de Fridolin Michaugard.
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C’est dans cette même pièce que je rencontrais quotidiennement Ladonzel, alors qu’il n’était que candidat. Après son départ pour Grandville, il ne revint jamais à Fontenette. L’incendie du 16 juillet 2068 l’affecta profondément. Les flammes, se nourrissant avec voracité de la copieuse pitance de ses souvenirs, archives et effets personnels, ne laissèrent, comme reliquats de leur cruelle bacchanale, que la pierre noircie des murs du manoir .
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Bien sûr, l’on entreprit de reconstruire la demeure à l’identique, sous la supervision de Simone Ladonzel. Les plans du bâtiment ayant également disparu dans le sinistre, c’est sur les souvenirs de la Première dame que les architectes calquèrent leurs tracés. Cela donna lieu, me semble-t-il, à quelques aberrations inhérentes à la subjectivité de la mémoire. Ainsi ai-je le sentiment que, au cours des rénovations, la surface du bureau de Ladonzel se trouva réduite de moitié, tandis que certaines pièces – comme le salon
du rez-de-chaussée, les cuisines et la chambre à coucher de Simone – avaient pratiquement doublé de superficie.
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Mais il se peut que ma mémoire, autant que celle de la première dame, ait remodelé la topographie des lieux disparus au gré de l’importance inégale que j’accordais à ses diverses parties. Quant à Ladonzel, jamais il ne s’exprima sur le sujet. Peut-être la reconstruction du manoir familial ne lui apparaissait-elle que comme l’édification d’un décor en trompe l’œil, une dérisoire et vaine tentative de reconstituer par la pierre l’âme des lieux partie en fumée ?
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Sur le plan national, les quelques remous provoqués par nos premières grandes réformes s’apaisèrent et, vers fin septembre, le président pu enfin se consacrer à la réalisation d’un projet qui lui tenait à cœur : sa visite officielle au Pumaryat.